Commentaire de réaction The Fourth Revolution: How the Infosphere is Reshaping Human Reality par Luciano Floridi

L’argument avancé dans ce livre est que les technologies de l’information et de la communication (TIC) changent radicalement notre façon d’interagir avec notre environnement et la définition que nous en faisons. Floridi affirme que les technologies de l’information et de la communication entraînent une quatrième révolution, dans un long processus de réévaluation du rôle de l’humanité dans l’univers.

Le premier chapitre étudie les changements dans les technologies de l’information et de la communication dans le temps. La communication ne se limite plus aux manipulations que font les humains des machines car elle est désormais possible – et plus fréquente – entre les machines qu’avec des êtres humains. Floridi se base également sur d’autres phénomènes pour démontrer le dynamisme de l’information aujourd’hui tel que la baisse de la durée de vie d’un document électronique. Le chapitre 2 étudie l’évolution des « nouvelles réalités » spatiales – et par extension temporelles – et met l’accent sur l’ubiquité de l’infosphère et son effet « de-individualisant ».

Le chapitre 3 centre sur le concept du « Onlife » continue sur la même trajectoire avec une étude de l’apparition des identités virtuelles et la quête de l’identité par l’information (comment l’information influence l’image de soi). Floridi fait également le lien entre le corps humain et les machines par leur fonctionnement en comparant le corps – et ses organes – a un environnement technologique ou des machines complémentaires œuvrent pour un objectif commun. Il fait le parallèle entre d’une part le corps et l’esprit et d’autre part la machine et son interface.

Le chapitre 4 est un chapitre clé du livre. Il fait l’objet d’une description des révolutions qui ont aide a changer la conception erronée de la supériorité illégitime des humains résultant de leur suprématie sur les autres espèces.

D’après Floridi, l’histoire cognitive de l’humanité peut être divisée en trois périodes majeures, a savoir la pré-histoire, l’histoire et l’hyper-histoire qui est la période au cours de laquelle nous vivons. La différence entre ces périodes se fait par la méthode de transmission des connaissances: la pré-histoire se distingue par un mode de transmission oral – donc absence de l’écriture –, l’histoire qui est la période suivante ou l’écriture devient généralisée et ou les premières sciences apparaissent, et enfin l’hyper-histoire qui est une période marquée par la place centrale occupée par l’information dans les sociétés de cette ère. Les transitions entre les trois périodes majeures citées dans le livre se font grâce a des révolutions. La première révolution est la révolution Copernicienne qui redéfinit la place de l’être humain et qui révoque notre place (littéralement) au centre de l’univers. La deuxième révolution appelée Darwinienne rapproche l’être humain des autres êtres vivants – par leur origine commune – dans un phénomène d’évolution constant qui vient contredire les croyances des principaux courants religieux spirituels dominants. La troisième révolution appelée Freudienne qui introduit l’idée du subconscient et de son importance dans nos prises de décision. Enfin la quatrième et dernière révolution a date est celle de Turing qui définit les êtres humains comme des organismes informatifs (ou inforgs), qui partagent avec d’autres types d’agents un environnement global (infosphère) ou l’information est une ressource principale.

Floridi s’inspire de l’idée d’Alan Turing que l’humanité a entamé une transition vers une société du savoir, c’est a dire d’une société où de les données étaient gardées dans des espaces physiques (bibliothèques, centres de documentation, archives, etc.) a des espaces virtuels où de vastes quantités d’information sont stockées dans des bases de données électroniques ; une société où l’information dicte notre façon de fonctionner.

Le chapitre 5 est une discussion approfondie de la vie privée et des définitions contradictoires que ce terme pour différentes tranches d’age dans la même société. Floridi s’attarde sur le thème de la friction informationnelle (obstacles a la diffusion de l’information dans l’infosphère), comment celle-ci évolue avec la multiplication des plateformes de communication et comment elle peut favoriser (ou défavoriser) la protection de la vie privée.

Les chapitres 6 et 7 sont une analyse avec un œil critique des technologies « intelligentes ». Floridi explore la façon dont ces technologies sont adoptées et les adaptations qu’elles requièrent et conclut que le succès de ces machines réside dans l’adaptabilité de leur environnement et non pas dans leur capacité d’adaptation comme les aptonymes de certaines machines peuvent le prétendre.

Le chapitre 8 examine le rôle de l’état en tant que garant de la sécurité et des droits des citoyens. L’état a toujours monopolisé la collecte, la production et le contrôle de l’information mais les technologies de l’information et de la communication ont permis d’autres acteurs d’entrer en scène et d’établir un nouvel ordre, c’est le cas des firmes multinationales, d’organismes non gouvernements ou de bureaux régionaux qui ont pu s’imposer comme nouvelles figures d’autorité pouvant contester le pouvoir de l’État. Ce chapitre est dédié aux systèmes politiques devenus des systèmes « multi-agents » omniprésents qui contrôlent, organisent, et renforcent pouvoir établi.

Le chapitre 9 montre comment les technologies de l’information et de la communication détériorent l’environnement a l’échelle planétaire. L’interaction entre les humains (inforgs) et les machines atteint son paroxysme dans un monde ou la biosphère est désormais menacée par les effets secondaires de l’infosphère. Une perspective intéressante évoquée dans ce chapitre est que contrairement a la biosphère, toutes les technologies comportent des risques qui parfois dépassent largement leurs avantages mais avec un meilleur suivi et des études « e-nvironnementalistes » les risques peuvent être limites.

Le chapitre 10 est quant a lui réservé aux questions qui doivent être soulevées pour établir un cadre éthique et juridique qui puisse faciliter la gestion de ce nouvel environnement qu’est l’infosphere.

The Fourth Revolution traite de plusieurs thèmes importants et bien définis a travers les chapitres, le thème global étant l’importance grandissante des nouvelles technologies de l’information dans les économies des puissances mondiales en ce début de 21ème siècle. Les économies développées ont su apprivoiser les nouvelles technologies de la communication et tirer profit des nombreux avantages que celles-ci présentent et en sont aujourd’hui devenues dépendantes. Les frontières entre le virtuel et la réalité ne sont plus aussi nettes qu’elles l’ont été jusqu’à la fin du siècle dernier. Aujourd’hui l’information est partout. L’environnement dans lequel nous vivons est enveloppé par des flux d’informations qui changent notre perception de l’environnement, notre façon de vivre et l’entourage dans lequel nous vivons.

Le passage a une société ou l’information est plus facilement disponible, stockable, partagée et générée a transformé la solution en problème: nous sommes passes d’une société qui a du mal a sauvegarder des données à une société qui peine à trier les données pour n’en garder que les plus importantes. Le big data est là. L’importance des interfaces et des rôles de médiation que les technologies ont acquis au fil des années en ont abouti à des réseaux de machines qui peuvent communiquer entre elles pour améliorer leur coordination et compléter des taches complexes parfois sans aucune intervention de l’homme.

La structure du livre est unique avec une introduction théorique pour donner un contexte et expliquer des concepts fondamentaux avant de rentrer dans le vif du sujet avec des faits historiques ainsi que des exemples contemporains pour illustrer les idées discutées. Ceci rend le livre très abordable et lui donne un caractère généraliste malgré le fait qu’il soit avant tout destiné aux férus des technologies de la communication. Le style du texte est fluide et les multiples perspectives adoptées par l’auteur donnent du rythme à la lecture. L’influence des technologies de l’information et de la communication est vue de plusieurs angles (science, culture, économie, droit, éducation, assistance a la personne, politique et gestion des conflits, protection de l’environnement, etc.) à travers différentes époques et à différentes échelles (individuelle, collective, nationale et internationale). Par ailleurs Floridi n’hésite pas à faire des liens entre les chapitres par le biais de notions ou thèmes récurrents tel que le « onlife » ou le « informational friction ».

Contrairement à d’autres auteurs du même genre (Philip N. Howard auteur de « Pax Technica: How the Internet of Things May Set Us Free or Lock Us Up » par exemple), Floridi réussit la prouesse de faire une étude transversale sans se focaliser sur une région du monde en particulier ou sur un courant idéologique dominant. Le style de Floridi se démarque par son pragmatisme. Il réfute les idées répandues – et les stéréotypes que l’on retrouve souvent dans des livres du même genre–, par exemple le fantasme des scénarios futuristes de science fiction montrant une race humaine transformée en cyborgs aux innombrables qualités de la même façon qu’il réfute les scénarios fatalistes des néo-environnementalistes qui pensent que la protection de la planète contre le réchauffement climatique est une cause perdue.

Pour finir – par le début mais après avoir fini la lecture –, le titre colle très bien au contenu du livre et est bien justifie avec une argumentation logique et bien ancrée dans la trame donnant un effet de récit, la trace écrite de la mémoire volatile des nouvelles technologies.

 

Le livre en quelques citations:

« ICTs are great in making information available; they are less successful in making it accessible, and even less so in making it usable »

« The state is a typical historical phenomenon. It emerges when human groups stop living a hand-to-mouth one. Large communities become political societies, with division of labour and specialized roles, organized under some form of government, which manages resources through the control of ICTs, including that special kind of information called ‘money' »

« Today, immutability and perceivability have been joined by interactability. Our philisophy seems to suggest that to be is to be interactable, even if that with which we interact is only transient or virtual »

« The new divide will be between historical and hyperhistorical ones. We might be preparing the ground for tomorrow’s informational slums ».

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